Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 15:52

https://metamag.fr/2017/08/27/alors-que-le-yemen-se-meurt-le-monde-civilise-regarde-ailleurs/

 

Alors que le Yémen se meurt, le monde

“civilisé” regarde ailleurs

 
Yemen Sana

Alors que le Yémen se meurt, le monde “civilisé” regarde ailleurs

 

Pr.C.E. Chitour, École Polytechnique Alger ♦

«Le Royaume des Sabéens se situe au Yémen, une situation géographique et un climat qui favorisent le développement de leur civilisation. La reine de Saba Balkis est décrite comme une belle femme, dotée d’une intelligence certaine et d’une grande sagesse. Fort cultivée. Elle décida de rencontrer Salomon. 3000 chameaux la suivent transportant de précieux cadeaux. Elle veut ainsi tester le désir et la sagesse du roi Salomon…»

C’était au bon vieux temps de l’Arabie Heureuse de l’encens et de la myrrhe qui était transportée, depuis les lieux de production situés dans l’actuel Yémen, par les caravanes de chameaux des Nabatéens jusqu’à Pétra, à partir de laquelle elle était redistribuée dans tout le bassin méditerranéen. Voilà pour l’histoire.

Nous sommes dans le Yémen du XXIe siècle, un pays qui n’a pas connu la paix depuis plus de cinquante ans. La nouveauté est l’hubris des Saoudiens qui veulent régenter le Moyen Orient et imposer leur vision de l’Islam tout ceci en payant le prix fort pour avoir les faveurs des États-Unis avec lesquels ils viennent de conclure le contrat du siècle qui nous rappelle mutatis mutandis l’accord sur le croiseur Quincy, arrimé sur le Canal de Suez, entre le roi Ibn Saoud et le président Franklin Delanoë Roosevelt : Les saoudiens confiaient leur pétrole aux Américains qui en retour leur assurait la sécurité voir l’impunité comme nous le voyons avec ce qui se passe au Yémen. Les saoudiens singeant l’empire ont créé une coalition hétéroclite de va-t-en guerre musulmans pour aller punir un autre pays musulman coupable de vouloir la liberté

On ne s’arrêtera pas d’attirer l’attention sur un drame à bas bruit qui est la mort lente d’un peuple devant l’indifférence de l’Occident pourvoyeur en armes de potentats arabes qui se disent musulmans et qui font subir le martyre à un peuple sans défense qui voulait aspirer à se déterminer lui-même. Il nous est souvent arrivé de dénoncer la politique abjecte d’Israël vis-à-vis des Palestiniens colonisés, mais ce qui se passe au Yémen n’a rien à y envier en termes de barbarie. Au-delà de la religion et de la géopolitique, il y a l’humanité et ce qui se passe au Yémen qui subit une démolition minutieuse de la part d’une coalition au petit pied de 10 pays pieds nickelés qui montrent leurs deltoïdes de libellules en face des damnés de la Terre.

Petit rappel des causes du conflit

Cette description du journal, L’Express il y a deux ans nous permet de mesurer l’étendue du deux poids, deux mesures :

«Deux guerres au Moyen-Orient, l’une largement médiatisée, l’autre ignorée. La Syrie et le Yémen ont pourtant des points communs: un conflit intérieur né dans le sillage des Printemps arabes, mais vite internationalisé. Des crimes commis contre la population civile et un désastre humanitaire. Dans un cas, la France et les autres pays occidentaux dénoncent avec force ces violences. Dans l’autre, Paris, Londres et Washington, non contents de garder le silence sur les bombardements meurtriers de la coalition menée par l’Arabie saoudite, continuent de lui vendre des armes. Explications de ce deux poids, deux mesures.» 

«Le Yémen, comme la Syrie, est secoué par une révolte contre son régime tyrannique, en 2011: Ali Abdallah Saleh a passé 32 ans au pouvoir – la dynastie Assad 41 ans à Damas. Au Yémen, Saleh est chassé en janvier 2012. Quelques mois plus tard, il s’allie avec la rébellion houthiste, qu’il avait combattue quand il était président. Quittant leur zone d’influence, dans le nord du pays, en 2014, les rebelles s’emparent de la capitale yéménite avant de pousser l’avantage jusqu’à Aden, dans le sud ».

« C’est pour stopper cette avancée – soutenue par l’Iran, accuse Riyadh que, à la tête d’une coalition de dix pays, l’Arabie saoudite déclenche, le 25 mars 2015, une intervention militaire. Arguant de la légitimité -contestable- du président Abd Rabo Mansour Hadi, les pays occidentaux donnent leur aval à l’opération. Autre similitude avec la Syrie, la perte de contrôle, sans doute durable, de vastes pans du territoire par les forces gouvernementales. Au Yémen, c’est au profit des Houthistes et d’Al-Qaïda. Aujourd’hui, l’internationalisation de la crise au Yémen a contribué à y creuser la fracture confessionnelle, une évolution qu’a également connue la Syrie. Le «Nord», contrôlé par la rébellion houthiste, de confession zaïdite, fait face au reste du pays, sunnite. «Des identités reconstruites, peu opérationnelles avant la guerre», selon le chercheur Laurent Bonnefoy. Ce schisme a été accentué par l’hostilité de l’Arabie saoudite, leader autoproclamé du monde sunnite, et de l’Iran chiite, impliqués, à des degrés divers, dans les deux conflits.» 

Le commerce florissant des armes de destruction massive des Yéménites

Les massacres de masse des Saoudiens au Yémen, sont tus par les médias et par les pourvoyeurs d’armes :

«La complexité du Yémen lit-on dans l’Express, a conduit les pays occidentaux à s’en désintéresser. «Ils se sont contentés de laisser filer et de sous-traiter la crise aux Saoudiens», déplore Laurent Bonnefoy. Et pas question de suspendre les juteuses ventes d’armes aux monarchies du Golfe: Riyadh est le deuxième plus gros importateur d’armement au monde, ses importations ont triplé sur cinq ans, rappelle le Grip. En 2015, 75% des armes vendues par la France l’ont été à l’Arabie saoudite. (…) «Le débat est vif au Royaume-Uni, au Canada, mais pas en France», s’interroge Cédric Poitevin. «Nos exportations d’armement sont conformes à nos engagements internationaux, notamment aux dispositions du traité sur le commerce des armes et de la position commune européenne», répond le Quai d’Orsay. Ces règles prévoient que les Etats de l’UE doivent s’abstenir «en cas de non-respect du droit international humanitaire, si la technologie exportée risque d’aggraver des conflits internes» ou «représente une menace pour la stabilité régionale». Des notions «sujettes à interprétation», selon Cédric Poitevin, qui permettent à la France de s’asseoir sur les protestations des défenseurs des droits humains» (…)L’Union européenne a imposé dès le mois de mai 2011 un embargo sur les armes à destination de la Syrie, après que la répression des manifestations avait fait plus de 600 morts. Rien de tel au Yémen, où l’Occident ne remet pas en cause la légitimité de l’intervention saoudienne, selon Cédric Poitevin, seulement ses modalités”.»

Près de 380 milliards de dollars de contrat pour Trump tel est le deal pour laisser les Saoudiens massacrer les Yéménites en accord avec les intérêts géopolitique des USA et d’Israël, donc tout va bien… Kathy Kelly qui co-coordonne Voices for Creative Nonviolence accuse nommément les États- Unis, elle écrit: «(…) Pendant ce temps, les fabricants d’armes américains, dont General Dynamics, Raytheon et Lockheed Martin, profitent massivement des ventes d’armes à l’Arabie saoudite. En décembre 2016, Medea Benjamin a écrit: «Malgré la nature répressive du régime saoudien, les gouvernements américains ont non seulement soutenu les Saoudiens sur le plan diplomatique, mais aussi au plan militaire. Sous l’administration Obama cela s’est traduit par des ventes massives d’armes, à hauteur de 115 milliards de dollars».(…) Nous devons faire en sorte d’être assez nombreux pour que nos voix soient entendues lorsqu’elles s’élèvent en faveur des habitants du Yémen.» 

La terreur au quotidien

Peut-on s’habituer à la mort au quotidien ?

Assurément non ! Pourtant nous nous apercevons que l’horreur devient chaque fois plus « horrible » à chaque nouveau massacre. Pour rappel : une frappe ayant visé une cérémonie de funérailles à Sanaa en octobre 2016 avait fait plus de 140 morts, tous des civils. Quelles sont ces lois de la guerre et autres conventions de Genève sur la protection des civils ? Et que valent -t-elles ? Quand on apprend que des civils dont des enfants, ont fait hier encore les frais de la guerre d’agression menée par l’Arabie Saoudite au Yémen, qui ont fait état de la mort d’au moins 16 personnes lors d’un raid de l’aviation de la coalition arabe, dirigée par Riyad depuis mai 2014.

La guerre au Yémen, un spectacle sportif ?

Le témoignage  de Shireen Al-Adeimi née à Aden, dans le sud du Yémen est pathétique. Elle prépare actuellement un doctorat à la Harvard Graduate School of Education. Le texte ci-dessous est un article  publié le 11 août 2017:

«La guerre contre le Yémen fait rage, pourtant, le sort des Yéménites ne reçoit toujours pas l’attention qu’il mérite de la part des médias et des politiciens. Alors que les riches États arabes bombardent le Yémen avec des armes sophistiquées (achetées à l’Occident) et embauchent des mercenaires pour leurs troupes au sol, beaucoup de gens et d’organes (par exemple, l’ONU) ont peur de s’opposer aux Saoudiens parce qu’ils ont besoin de leur argent ou parce qu’ils sont eux-mêmes impliqués dans le conflit et / ou en profitent (par exemple, les Etats-Unis et l’Angleterre) »

« Alors, l’ONU exprime ses «inquiétudes» et le Royaume-Uni son désir de «trouver une solution politique», tout en se remplissant les poches du prix du sang des Yéménites. Le Yémen est-il devenu un spectacle sportif ? Depuis deux ans et demi, les corps émaciés des enfants yéménites ou leurs cadavres envahissent nos écrans. Est-ce de l’impuissance ou de l’indifférence? Je ne sais pas. Sommes-nous «loin des yeux, loin du coeur»? Je ne sais pas. Quelqu’un m’a dit, une fois, que les enfants yéménites n’étaient pas assez «photogéniques» pour susciter de l’empathie. Est-ce du racisme, de la discrimination? Je ne sais pas. Ou bien, les portefeuilles yéménites ne sont pas assez bien remplis pour acheter ou exiger l’attention, la condamnation et l’action du reste du monde? Je ne sais pas non plus.»

«Ce que je sais, conclut l’étudiante yéménite aux États Unis, c’est que le monde nous regarde. Il regarde nos enfants mourir de maladies guérissables comme le choléra parce qu’ils n’ont pas accès à de l’eau potable. Il regarde nos enfants mourir de faim au milieu d’immenses richesses mondiales parce que leurs parents n’ont pas les moyens d’acheter le peu de nourriture encore disponible. Il regarde nos concitoyens, enfants, femmes et hommes, se faire tuer par les raids aériens des Saoudiens soutenus par les États-Unis, sur leurs maisons, leurs écoles et leurs hôpitaux. Et lorsque nous demandons seulement que nos articles soient diffusés plus largement, on nous envoie promener (on m’a répondu qu’il n’y a que quelques dizaines de personnes qui s’intéressaient). Je pleure les enfants dont les petits corps ont abandonné le combat de la survie pendant les quelques minutes que vous avez passées à lire ce twit. Et je prie pour le Yémen.» 

Ceci rappelle l’indifférence de l’ONU de Koffi Annan devant la mort de 500 000 enfants, du fait d’un embargo inhumain, mais c’était, pour Marguerite Albright, le prix à payer pour faire partir Saddam. Aux dernières nouvelles il n’y a pas d’avancée pour la paix. L’Iran, accusé de soutenir au Yémen les rebelles chiites Houthis, ne peut pas contribuer à une solution dans ce pays en guerre, a affirmé le 21 aout 2017 à New York le ministre yéménite des Affaires étrangères, Abdulmalik al-Mekhalafi adoubé par la «coalition». L’Iran est une partie du problème, pas la solution.

Il y a deux ans j’écrivais ces lignes qui n’ont pas pris une ride.

 Que dire en conclusion ?

«La situation n’est pas limpide loin s’en faut!  Cependant rappelons quelques faits objectifs : les potentats arabes ont atteint le fond en termes de dignité. Au lieu d’être fascinés par la science et le savoir, ils s’équipent jusqu’aux dents pour porter la guerre soit à leur peuple soit entre eux. Qu’il nous suffise de savoir que l’Arabie saoudite a acheté auxÉEtats-Unis pour plus de 70 milliards de dollars d’armement »

Il en est de même des autres potentats qui dépensent l’équivalent de 200 milliards de dollars en armes fournies gracieusement par un Occident qui divise pour régner. Les Iraniens, eux, sont une puissance technologique qui avance malgré toutes les entraves occidentales et israéliennes. Quel est le pays arabe qui peut lancer des satellites? Qui peut fabriquer son propre armement? Qui peut maîtriser l’atome? En définitive, ces rodomontades n’augurent rien de bon. C’est à se tordre de rire si ce n’est pas tragique d’apprendre la résolution des pays arabes qui s’inventent une force d’intervention rapide pour mater toutes les remises en cause d’un Ordre, celui des tyrans en place, mais plus globalement celle de l’Empire qui adoube, série, dicte norme, décide du bien et du mal. Les peuples arabes n’ont pas des dirigeants éclairés, c’est cela leur malheur. Ce n’est pas demain qu’ils se décoloniseront mentalement. Le spectre de schismes de l’Islam est un faux nez, la seule vraie révolution qui aurait pu en son temps réussir, ce fut celle de la résurrection «El Baâth» d’un Monde arabe nationaliste, qui n’instrumente pas la religion. Les Nasser, les Saddam, les Assad, et même le trublion Kadhafi, avaient une certaine idée de l’Etat de la Nation arabe. Nous savons tous comment ils furent éliminés.» 

Rien à ajouter si ce n’est que le nombre de Yéménites qui sont morts a été décuplé. On dit que parmi les signes de la fin du monde musulman il y aura un feu du côté du Yémen, serait-ce ce signe?

Partager cet article

Repost0

commentaires