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17 janvier 2022 1 17 /01 /janvier /2022 08:49

Est-ce ainsi que les guerres commencent ?

Les Lundis. 

Par Louis-Joseph Delanglade*.  

« le risque d’un nouveau conflit armé est réel ». Jean Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan

Dire que les relations entre la Russie et les alliés « occidentaux », membres ou pas de l’Otan et/ou de l’Union européenne, sont tendues est un euphémisme. Ainsi, suite à la réunion Otan-Russie de Bruxelles (mercredi 12), on a entendu Alexandre Grouchko, vice-ministre russe des Affaires étrangères  évoquer « un grand nombre de divergences sur des questions fondamentales » et Jean Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, affirmer que « le risque d’un nouveau conflit armé est réel ». Certes, il s’agit pour l’instant d’un possible conflit très localisé entre forces russes et ukrainiennes. Cela dit, deux jours auparavant (lundi 10), le tête-à-tête russo-américain de Genève s’était déjà terminé sur un désaccord et des menaces : à la Russie souhaitant que cessent le soutien occidental à l’Ukraine et plus largement l’expansion orientale de l’Otan, les Etats-Unis ont répondu en jugeant ces exigences irrecevables et en envisageant de recourir si nécessaire à des sanctions « sans précédent ». Et puis quoi ensuite ?

Les Russes rappellent volontiers que les problèmes datent de 1997 et un petit rappel historique s’impose pour comprendre l’embrouille actuelle. Le Pacte de Varsovie est dissous le 1er juillet 1991. Certains, comme Vaclav Havel, avaient pensé que l’Otan, ainsi privée de sa raison d’être aurait pu ou dû disparaître aussi. Il n’en fut rien. Le 27 mai 1997, Boris Eltsine, tout aussi affaibli que la Fédération de Russie qu’il préside alors, signe à Paris avec les seize chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’Alliance atlantique (dont Bill Clinton et Jacques Chirac) un accord plein de bonnes intentions mais qui, dans les faits, entérine le statu quo d’une organisation militaire (l’Otan) désormais livrée à son propre bon vouloir, quand ce n’est à sa seule volonté de puissance. On connaît la suite : l’adhésion de nombreux pays anciennement membres du Pacte de Varsovie (1999 : Tchéquie, Hongrie et Pologne ; 2004 : Estonie, Lettonie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie, Slovaquie), sans compter plusieurs pays balkaniques.

Ainsi, parce qu’elle a cherché et est parvenue à récupérer la plupart des anciens vassaux de l’Union soviétique, l’Otan est bien devenue ce « pur projet politique » dénoncé par Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères. Voici en effet la quasi-totalité du Vieux Continent implicitement enrégimenté contre une Russie encore et toujours perçue – certainement à tort – comme l’héritière de la défunte U.R.S.S. (« l’idéologie en moins » d’après Pierre Haski, ce qui n’est pas rien !). On peut comprendre que certains pays, membres de l’Union, par ailleurs anciens satellites particulièrement traumatisés par le pouvoir soviétique, se méfient toujours peu ou prou du pouvoir moscovite. Mais, au vu d’une évolution géopolitique aussi rapide que menaçante pour elle, on peut aussi comprendre que la Russie, tout aussi européenne que chacun des pays de l’U.E., poursuive désormais l’objectif légitime de sécurisation de son flanc occidental (Biélorussie et Ukraine) et même méridional (Géorgie).

En demandant, manœuvres militaires à l’appui, des garanties d’ordre sécuritaire et même une sorte de « finlandisation » de l’Ukraine, la Russie nous rappelle d’ailleurs qu’en 1962 les Etats-Unis ont obtenu, par la pression et la menace d’un conflit nucléaire, le retrait des missiles soviétiques braqués sur leur territoire et la neutralisation de fait de Cuba.

La Russie a déjà remporté une petite victoire formelle, celle de parler d’égal à égal avec les Etats-Unis – montrant que l’époque pas si lointaine (mars 2014) où le président Obama la traitait avec arrogance de « puissance régionale » est sans doute révolue. Son action s’inscrit dans une logique purement défensive, celle de l’Otan depuis vingt-cinq ans dans une logique manifestement offensive. Il est encore temps de calmer le jeu. A défaut, rien n’interdit de penser que tout peut dégénérer très vite.  

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