Dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 avril, le Parlement britannique a adopté un projet de loi qui permet l’expulsion vers le Rwanda des demandeurs d’asile, d’où qu’ils viennent, entrés illégalement sur le territoire britannique. Après un long ping-pong parlementaire entre la chambre haute et la chambre basse, le Premier ministre Rishi Sunak a haussé le ton, assurant que personne ne quitterait le Parlement tant que ce projet ne serait pas ratifié. Londres et Kisali, capitale du Rwanda, ont conclu un accord : le Rwanda accueille les migrants entrés illégalement - principalement par voie maritime – sur le sol britannique en échange de sommes substantielles. Cette politique avait été amorcée par le précédent gouvernement de Boris Johnson.
Le gouvernement pourra outrepasser les injonctions de la CEDH
Le traité signé en décembre 2023 entre la Grande-Bretagne et le Rwanda, qui a rejoint le Commonwealth en 2009, implique un apport financier à hauteur de 150 millions d’euros au Rwanda en échange de l’accueil des demandeurs d’asile, acheminés des côtes britanniques vers Kigali en avion. Ce n’est pas un projet inédit, puisqu’en juin 2022, un avion avait été affrété dans ce but. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), instance sans lien avec l’Union européenne, avait alors rendu en urgence une décision empêchant la mise en œuvre d’expulsion vers le Rwanda, arguant que le pays d’accueil n’était pas sûr et que, par conséquent, cette mesure mettait en péril la vie des demandeurs d’asile en cause. L’avion était resté cloué sur le tarmac en dépit de la volonté du gouvernement. Pourtant, en 2021, déjà, Dominic Raab, ministre de la Justice, dénonçait ce qu'il considérait comme une ingérence européenne : « Nous voulons que la Cour suprême ait le dernier mot sur l’interprétation des lois du pays, pas la Cour de Strasbourg. »
C’est dans cet esprit que l’accord avec le Rwanda a été conclu : le texte adopté au Parlement indique que le Rwanda est un pays sûr, assurant ainsi la sécurité des individus envoyés sur ce territoire. Il prévoit, de plus, que le gouvernement pourra passer outre d’éventuelles injonctions de la CEDH pour empêcher ces expulsions. Cette dynamique, Rishi Sunak l’exprime à nouveau en 2024 : « Aucune cour étrangère ne nous empêchera de faire décoller des avions. » Dès lors, seul manque le sceau royal pour l’adoption complète de cette loi. Les prochains avions devraient décoller d’ici dix à douze semaines, assure le Premier ministre.
« Reconquête prône ce genre d’accord »
Cette mise en place d’expulsion systématique a-t-elle un lien avec le Brexit ? Il semble que non. Pour se dédouaner des décisions européennes telles que celle de 2021, il faudrait que le Royaume-Uni se retire de la Convention européenne des droits de l’homme - ce qui n’est pas le cas. C'est ce qu'affirme à BV Nicolas Bay, député européen sortant et quatrième sur la liste Reconquête aux élections du 9 juin : « Il n’y a aucun lien entre quitter l’UE et envoyer les demandeurs d’asile dans les pays tiers pour que leurs dossiers y soient étudiés. » La preuve avec Giorgia Meloni : « Elle a signé un accord du même type avec l’Albanie pour y envoyer des dizaines de milliers de migrants, chaque année, en échange d’une compensation financière. » Il ne s’agit pas forcément de quitter l’Union européenne mais, au moins, d’asseoir la souveraineté des États à la table des négociations, surtout en matière d’immigration. Rappelant que « l’immense majorité » des migrants « ne répondent pas aux critères de l’asile au sens strict et ne font que le dévoyer pour en faire une filière supplémentaire d’immigration », Nicolas Bay conclut : « Reconquête prône depuis le début ce genre d’accord, bénéfique pour les pays tiers qui accueilleraient les migrants dans des centres fermés et pour les pays de l’UE qui n’auraient pas à les accueillir et à instruire leurs demandes d’asile. »
Maintenant, on peut se demander si cette loi britannique ne risque pas d'avoir des répercussions pour la France. En effet, les demandeurs d’asile seront-ils toujours aussi nombreux à tenter la traversée de la Manche au risque de devoir monter dans un avion à l’arrivée, destination Kigali ? D'autant que l’accueil est si protecteur, dans l’Hexagone...