Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 avril 2024 6 13 /04 /avril /2024 10:54

Dien Bien Phu, une défaite auréolée de l’héroïsme de nos soldats

Dien Bien Phu, une défaite auréolée de l’héroïsme de nos soldats

“La France est la nation qui a participé au plus grand nombre de guerres et de batailles dans toute l’Histoire de l’Humanité et qui totalise le plus de victoires au monde”.

Mais il faut aussi savoir accepter les défaites et je ne suis pas de ceux qui pensent que Dien Bien Phu fut notre honte. Ne salissons jamais la mémoire des héros tués au combat, ils sont l’honneur d’une nation, dans un univers où la paix n’est qu’une illusion bien éphémère.

Car il est des défaites qui ont valeur de victoire, quand des soldats se battent jusqu’à leur dernier souffle, non plus pour la France et son drapeau, quand tout est définitivement perdu, mais pour honorer jusqu’au bout le sacrifice de leurs frères d’armes qui sont déjà tombés à leurs côtés.

Quand la Légion étrangère célèbre la bataille de Camerone, cette hacienda où 63 légionnaires résistèrent à 2 000 Mexicains avant de succomber en 1863, c’est le courage et l’esprit de sacrifice que vénère la Légion.

Quand les Marsoins célèbrent Bazeilles, où ils perdirent 2 655 des leurs dont 100 officiers en 1870, ils entretiennent le culte de l’abnégation et de l’honneur. Car il n’y a aucun déshonneur à succomber en tirant ses dernières cartouches dans un combat inégal à dix contre un.

Et que dire de la bataille de la Bérézina, où le sacrifice des pontonniers plongés dans les eaux glacées, permit de sauver les restes de la Grande Armée, décimée par l’impitoyable hiver russe. Un indéniable succès militaire où les grognards épuisés tinrent néanmoins en échec les armées du Tsar.

Oui, il y a des comportements héroïques qui illuminent les défaites.

Et la bataille de Dien Bien Phu en fait partie.

On ne compte plus les livres qui ont retracé la tragédie de Dien Bien Phu du 13 mars au 7 mai 1954, soulignant le plus souvent les erreurs fatales du haut commandement français : choix discutable du site, surestimation de sa propre puissance, sous-estimation des forces ennemies et de la stratégie du général Giap, causes qui ont conduit au désastre, comme trop souvent dans les conflits asymétriques.

En passant à Hanoï, il y a quelques années, j’ai pu visiter le musée de l’armée, où la bataille de Dien Bien Phu y est reconstituée. J’ai également lu le livre du général Giap relatant l’essentiel des opérations avant et durant la bataille. Une analyse détaillée faite par le principal artisan de la victoire vietnamienne, livrant la stratégie adoptée face au plan du général Navarre.

Après la débâcle de 1940 qui surprit le monde entier, lequel pensait que le grand vainqueur de 1918 était invulnérable derrière sa Ligne Maginot, la défaite de Dien Bien Phu sonna le glas de l’empire français, ultime vestige de notre puissance. Aux yeux du tiers monde, la France n’était donc plus invincible.

Après Dien Bien Phu, nos paras et nos légionnaires enchaînèrent avec la guerre d’Algérie. Une guerre gagnée militairement mais perdue politiquement, dont les Algériens gardent des séquelles incurables, contrairement aux Vietnamiens qui ne pleurent pas sur leur passé colonial mais regardent le futur. Deux cultures différentes…

A Dien Bien Phu, localité située à la frontière du Laos, le haut commandement français pensait attirer les forces du Vietminh dans une cuvette de 18 km sur 6 pour les écraser une bonne fois pour toutes.

Tous ceux qui ont visité le camp retranché, y compris les généraux américains,  y ont vu une citadelle imprenable, avec ses points d’appui avancés dotés d’une puissante artillerie et disposant d’une piste d’atterrissage permettant l’acheminement de renforts, de munitions et de ravitaillement, ainsi que l’évacuation des blessés.

14 000 soldats, les meilleures troupes d’Indochine, furent engagés tout au long des opérations. En face, contrairement à toute attente, Giap mobilisa 80 000 bô doï, après avoir construit en toute discrétion des routes et des sentiers à travers jungle et montagne, pour acheminer à dos d’homme et en chargeant lourdement des vélos, des munitions et surtout une puissante artillerie que les Français estimaient de faible portée, absolument incapable d’atteindre leurs lignes. 260 000 porteurs ont permis cet exploit titanesque. Nul n’avait envisagé une telle possibilité, ce fut l’erreur fatale côté français. Sans parler du soutien chinois apporté au Vietminh, largement sous-estimé lui aussi.

Camouflés dans les collines boisées, les canons de Giap étaient invisibles, donc indestructibles par notre aviation. Ils pilonnaient le camp retranché tandis que nos artilleurs ripostaient quasiment à l’aveugle.

La bataille s’est déclenchée le 13 mars 1954 sous un déluge d’artillerie inattendu, s’abattant sur le point d’appui Béatrice tenu par les légionnaires. Leur chef est aussitôt tué. Béatrice tombe et le lendemain, c’est au tour du point d’appui Gabrielle.

En 48 heures, la bataille est d’ores et déjà perdue, avec  la piste d’aviation devenue difficile à protéger.

Mais vont suivre 55 jours de combats héroïques et d’actes de bravoure innombrables face à la déferlante des nuées de soldats vietnamiens donnant l’assaut, qui vont faire de Dien Bien Phu une bataille mythique.

Les vagues d’assauts vietminhs vont se succéder, tandis que les renforts français continueront d’affluer, sautant dans la fournaise pour ne pas abandonner leurs frères d’armes, avant l’inéluctable défaite. Pour beaucoup d’entre eux, ce fut leur dernier saut. Mais la fidélité et les liens qui unissent les soldats au combat ne s’explique pas. C’est une réalité, et c’est tout.

Parmi tous ces héros, dont le commandant Bigeard, le soldat le plus décoré de France, figure aussi Geneviève de Galard, infirmière convoyeuse de l’air, “l’ange de Dien Bien Phu”, qui se dévoua jusqu’à la dernière heure pour sauver les soldats blessés et leur apporter un peu de douceur et de réconfort dans cet enfer de feu et de sang. De même, n’oublions pas les prostituées vietnamiennes qui se sont dévouées auprès des blessés et qui méritent toute notre estime.

Le bilan fut terrible.

2 300 morts et 1 000 disparus côté français. 11 000 prisonniers, dont 6 500 mourront durant le long voyage vers les camps vietminhs ou en détention. Un modeste monument honore leur mémoire sur le site de la bataille.

Le général Bigeard ne pardonnera jamais au commandement vietnamien d’avoir laissé mourir autant de prisonniers en les affamant.

Il affirmait que si on avait donné seulement deux bananes quotidiennement à chaque prisonnier, la plupart auraient été sauvés. Il avait raison quand on connait les exceptionnels bienfaits nutritifs de ce fruit qui abonde au Vietnam.

Menée à 12 000 kilomètres de la France, cette guerre d’Indochine très impopulaire, marqua le début du déclin occidental.

Les Américains quelques années plus tard, ont pris la relève pour stopper l’expansion du communisme. Malgré des moyens colossaux, ils n’ont pas fait mieux. Leur écrasante supériorité aérienne leur a évité un autre Dien Bien Phu, mais l’évacuation de l’ambassade de Saïgon en 1975, dans la panique la plus totale, fut une défaite humiliante. Une débâcle absolue, mais sans le panache que nos soldats ont su donner à la bataille de Dien Bien Phu. Américains et Français ne font pas la guerre avec le même état d’esprit.

N’oublions jamais le sacrifice de nos soldats, combattant “jusqu’à la dernière cartouche” sachant que tout est perdu. Pour des raisons qui souvent les dépassent et que nous devons respecter, ces héros ne se battent plus pour une victoire devenue impossible, mais par respect pour leurs compagnons qui les ont précédés dans la mort. C’est ainsi.

( inspiré du Figmag )

Jacques Guillemain

Partager cet article

Repost0

commentaires