Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 décembre 2016 3 21 /12 /décembre /2016 16:39

 

 

Chronique ci-dessous  de Marc Rousset dans le numéro 113-Hiver 2016 de la revue ASAF de  l'Armée Française

 

 

                                             Une Nation sans héros ne peut pas survivre

 

                             

« Ainsi périrent plusieurs civilisations du passé, lorsque leurs défenseurs naturels renoncèrent à la lutte et à l’effort. Ce ne fut jamais l’abaissement de l’intelligence qui causa la ruine des peuples, mais celui de leur caractère »

G. le Bon-Psychologie du Socialisme- Paris-Alcan-1899

 

« La force de la Cité n’est pas dans ses remparts ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses hommes »

Thucydide

 

Au début du XXI° siècle dans les sociétés occidentales, les héros sont une race  en voie de disparition. Nous vivons l’époque du remplacement du militaire par l’humanitaire, du héros par la victime, de la conviction par la compassion, du courage par l’art de plaire, de la virilité par la féminité.

Le chroniqueur médiéval italien, Giovanni Villani, écrivait déjà : « L’Empire romain entra dans sa décadence quand, comme une ruine, le nom de César tomba sur la Cité » précisant encore : « La Cour impériale accueillait les hommes vils au lieu des forts, les flatteurs au lieu des hommes d’action, et le passage des gouvernements aux mains des plus mauvais entraîna peu à peu la ruine de l’Empire »

Si l’intérêt personnel individualiste est le seul fondement du pacte social, on ne voit pas ce qui interdirait à chacun d’en profiter au mieux de ses intérêts et de ses appétits, de se servir au lieu de servir. Cela d’autant plus que le discours de la société marchande, par le truchement de la publicité, fait à chacun l’obligation de jouir, plus exactement de n’exister que pour jouir.

 

La fin de l’exemple du courage et de l’héroïsme dans l’enseignement de l’histoire

 

L’homme européen ne peut vivre sans mythes et se contenter d’une forme de pensée technicienne, aride, froide, sèche.  Les héros des anciens livres d’histoire représentaient des « surmoi » propres à éveiller le courage. Au moins jusqu’à 1963, ils formèrent en France des hommes d’une vaillance très supérieure à la mollesse de nos contemporains, nonobstant l ‘appât du gain. A partir de cette date, les réformes successives de l’enseignement de l’histoire  ont chassé les figures chevaleresques. La Nation France est démâtée, emportée dans la dérive des continents par « l’histoire connectée » qui étudie les interactions et les interdépendances. On n’enseigne plus que la Révolution française, version les droits de l’homme oublieux du citoyen, et la Shoah ! Le patriotisme est devenu ringard ; l’histoire est remplacée par la morale. L’erreur est de tout démythifier  dans un monde froid, aseptisé, hors-sol, pacifiste, technologique et numérique.

Les Français se souviennent de la façon dont la III° République  tenta de façonner une conscience républicaine, laïque, égalitariste en droits. Elle le fit « en racontant des histoires » aux enfants du peuple. Le manuel, partout le même en France et dans les colonies, de l’école primaire  présentait une trentaine d’images  fortement « marquées » idéologiquement et accompagnées d’un court récit qui méritait pleinement le qualificatif de « mythique ». De « Nos ancêtres les Gaulois » au  « regard fixé sur la ligne bleue des Vosges », en passant par Bouvines, le panache blanc d’Henri IV, la prise de la Bastille….tout concourait à présenter l’image idéale, quasi divine, de la Nation jacobine. Dans une école sans épopée, la disparition de Bayard appelle bien au contraire  le triomphe des terroristes et des loubards.

 

La fin du dépassement de soi, d’un idéal  et de l’esprit de sacrifice

 

La plupart des Occidentaux n’ont pas vraiment de conscience nationale : Peu importe ce qui se passe dans mon pays tant que ma vie personnelle n’est pas affectée.

 « Toute collectivité sans cohésion sacrificielle, si efficace qu’en soit l’organisation, n’est qu’un agrégat sans volonté commune, anonyme et sans responsabilité »

L’Académicien et poète français Pierre Emmanuel (1916-1984)

L’homme ne peut accepter de donner sa vie que pour sa famille, une collectivité, une nation, une culture, une civilisation, une foi, une croyance, un idéal… On ne meurt pas pour des sociétés individualistes et matérialistes qui n’ont rien d’autre à offrir à leur jeunesse que le sexe et l’argent. L’histoire apprend que riches ou pas, puissants ou pas, orgueilleux ou pas, les nations, les empires et les civilisations disparaissent inévitablement sous les coups de bien moins puissants, bien moins armés, mais animés de la foi dans leur projet, fut-il- criminel. Avec un idéal et la foi chevillée au corps  des hommes décidés  peuvent déstabiliser et  renverser  un Etat, un Royaume, un Empire !

 

Courage et héroïsme : la véritable richesse d’un pays

 

Les jeunes de 20 ans qui offrent leur vie quand la République le leur demande, méritent reconnaissance, respect et considération, même s’ils ne font pas fortune! Ces  jeunes constituent la plus précieuse des richesses de la Nation, car elle est  faite d’humanité, d’idéal, de dépassement de soi, et surtout  de chair et de sang ! 

Aucune machine ne pourra jamais faire le métier de soldat. Les hommes sont condamnés à rester l’instrument premier du combat. Mais en trouvera-t-on encore longtemps pour porter les armes ? Rien n’est moins sûr si la France continue d’ignorer l’histoire de ses héros. Une société « fabrique » des défenseurs en les honorant, en leur offrant une place et une reconnaissance particulière pour leurs mérites, leur utilité, leur esprit de sacrifice. Elle suscite alors des vocations de volontaires qui feront le choix du métier des armes malgré des contraintes exorbitantes. Le risque pour la France de ne plus en trouver parmi ses fils, si l’on songe à la fin de l’Empire romain, n’est pas nul.

 

Les sociétés hédonistes matérialistes et d’argent considèrent les soldats-héros comme des Idiots utiles

 

Une démocratie ne peut durer si elle devient un amas d’individus égoïstes qui souhaite être défendu par un corps militaire digne et loyal, dont l’efficience et la fidélité reposent sur le sens du devoir et du sacrifice. On exploiterait alors les nobles sentiments et l’impécuniosité des militaires pour préserver le confort d’une masse de riches égoïstes sans idéal. Sans un minimum d’élévation morale partagée, tout héros mort pour la patrie ressemblerait à un idiot qui se serait fait escroquer. Nos démocraties européennes décadentes actuelles, c’est à peu près cela !

Qui dit héros, dit gloire et modèle à imiter, dit multiplicateur d’énergies, dit capacité à se battre, à vaincre la peur, à s’imposer. En rendant un culte au héros, on favorise la cohésion et les chances de survie de la cité .

Qui dit victime, dit mise en cause, culpabilité et judiciarisation à outrance, dit aussi atrophie des énergies, des volontés et des intelligences, dit enfin méfiance et incapacité à se battre. Endosser le statut de victime pour des soldats morts en opérations, c’est prendre le risque à terme, de ne plus trouver quiconque pour exercer correctement ce métier.

Le service de la cité dans sa forme la plus exigeante qui est celle du métier des armes, mérite, non pas une émotion compassionnelle, ostentatoire et fugitive, mais une véritable, sincère, durable   et profonde reconnaissance empreinte de dignité et de respect. Autrement dit, doivent accéder au statut de héros, ceux qui, bravant la mort, ont fait honneur à leur pays.

Selon Henri Hude, directeur du cours d’éthique à Saint-Cyr : « Sans un minimum d’élévation morale partagée, tout héros mort pour la Patrie ressemble à un idiot qui se serait fait escroquer ». L’esprit héroïque holiste de sacrifice du citoyen au service de l’hédonisme individualiste du consommateur relève de la quadrature du cercle et n’a donc aucune chance de perdurer à terme.

 

                                                                                                                                                                 Marc Rousset*

 

*Ancien Directeur Général, Economiste, Géopoliticien, Ecrivain, Prix de l’Académie des Sciences Morales et Politiques

Auteur de « Adieu l’argent-roi ! Place aux héros européens !

                  Critique de la Civilisation de l’argent et Apologie de l’héroïsme «

500 pages - Editions Godefroy de Bouillon-2016.

 


Partager cet article

Repost0

commentaires

R
Tout ceci est fort juste mais il faut continuer de lutter contre la funeste politique qui nous mène à la décadence complète. L’adversaire est clairement identifié ; ce sont les ploutocrates socialistes ( de gauche et de droite). <br /> <br /> Mais il y a aussi un autre adversaire plus inattendu celui-là : le pape. Ce personnage roublard et fourbe poursuit la destruction morale de l’Église et est un des principaux soutiens de l’Islam conquérant. <br /> <br /> La véritable guerre idéologique qui se déroule actuellement concerne aussi, à mon avis, les arts et la culture. Le constat est le même : les grandes voix, les grands penseurs sont très rares et le « système » s’emploie à les faire taire. <br /> <br /> Les forces nocives ont abîmé les nations mais aussi les civilisations ; la mondialisation est une guerre contre les civilisations. Les mondialistes veulent raser les cultures nationales, les identités en instaurant une humanité indifférenciée occupant des pays qui ne seraient que des espaces sans âme. <br /> <br /> Les notions de « Héros » « sacrifice » « grandeur » sont clairement dans le viseur.
Répondre
M
Vous rêvez un peu,mon cher!<br /> <br /> La RealPolitik<br /> <br /> Tout n'est que force et rapport de force disait le philosophe Gusdorf!<br /> <br /> Cela n'empêche pas d'avoir une morale, mais il y a morale du Chef de l'EtAt qui doit penser d'abord à la survie de son peuple, quitte à sacrifier quelques innocents pur sauver le Groupe! !<br /> <br /> Ethique dela Morale et de la Conviction selon Max Weber!
M
100% d'accord avec vous! M.Rousset
J
Il faut bien pourtant un " Ordre Mondial " basé sur la notion de DROIT FONDAMENTAL.. pour régir l'équilibre entre les nations.. C'est la dessus qu'il faut agir ! Vous citez vous même l' Eglise " Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise " . <br /> Certes historiquement la France est fille ainée de l'Eglise... mais encore faut-il en valoriser les fondements pour éclairer le monde. http://www.eclaireurcitoyen.fr/archives/2016/06/03/33908915.html
J
Bien d'accord avec l'esprit de votre article Mr Rousset, seulement l'histoire interprétée par un mythe fondateur de notre société Occidental tel que l' Iliade, nous conte nos héros partis en guerre pour une femme " Hélène de Troie" ... Motivation sublimée qui ne prend même pas la peine de d'évincer le véritable but de cette guerre à savoir la domination de la mer Egée.. Quant aux divinités sensées moraliser l'histoire... elles nous laissent bien le libre arbitre... pour autant les héros "demi-dieu" comme Achille meurs de leur orgueil : une flèche plantée par un plus faible dans leur talon. <br /> De nos jours, si vous avez raison de faire le parallèle entre ces "barbares" non intégrés dans le système qui foncent au camion-belier dans la foule...et la passivité par manque d'idéalisme noble de nos concitoyens.. pour autant, le pire n'est pas toujours sur ! En effet, je m'étonne après tout du nombre restreint d'attentats.. C'est tellement simple une grenade dégoupillée dans la foule où des tirs à distance depuis une fenêtre.. comme autrefois avec un arc et des flèches... Donc quelque part, la morale l’éthique –appelons-la comme on veut - a tout de même fait son œuvre... L'individu lambda est toujours capable de prouesses pour sauver son prochain. C'est sur cette ferveur qu'il faudra compter à l'avenir ... en espérant que nos dirigeants actuels le comprennent assez vite , sinon ils seront emportés..
Répondre
J
Pour la guerre de Troie, c'est surtout Homère que je voudrais vénérer. Il a su retransmettre deux facettes du Heros. Avec Hector, c'est le prince Troyen qui défend sa patrie avec vaillance et honnêteté et avec Achille la force et la vélocité. Ce dernier, combat pour combattre vu qu'il est venu au monde pour cela... même s'il se sait condamné par une mort tout aussi exemplaire que son rival qu'il a pourtant vaincu. <br /> Mais la plupart des citoyens, n'ont pas l'opportunité de défier leur ennemi de face, vu qu'ils ne sont pas armés pour cela...alors il reste encore la ruse, comme le Cheval de Troie... c'est à dire d'entrer dans la place,modérément, sans perdre sa dignité et son esprit de recherche de la vérité... pour au final ouvrir la porte à leur élu.
M
IL y a du vrai dans ce que vous dites, mais je maintiens ce que j'ai écrit ; je ne partage pas votre point de vue sur le nombre faible d'attentats! C'est que pour passer à l'acte sans être pris,ce n'est pas aussi facile que l'on croit! S'il y a aussi peu d'attentats, c('est parce que nous sommes encore les ^pplus nimbreux en Europe et les plus forts, sinonil y aurait beaucoup plus de terroristes!<br /> <br /> Pour l'Iliade, vous faites erreur selon moi! Il s'agit d'analyser seulement les réactions humaines! L'Iliade n'a rien à voir avec la "RealPolitik"! <br /> <br /> Bien à Vous,Cher Ami