Depuis ce dimanche 19 juin et la divine surprise qui a propulsé 89 députés RN à l’Assemblée et infligé un camouflet à Emmanuel Macron, la famille RN est sur un petit nuage. Pour un peu, on croirait que le RN et  ont gagné ces élections.

Certes, c’est un juste retour de balancier après le « coup » politico-médiatique de Mélenchon et son « Élisez-moi Premier ministre ». Certes, c’est un exploit inédit pour le RN dans ce type de scrutin. Certes, Emmanuel Macron est privée de majorité nette. Certes, c’est un démenti des sondages qui, à un moment donné, accordaient quasiment 500 députés à  et Renaissance. Certes...

Mais si l’on redescend du nuage et que l’on regarde les chiffres, la « victoire » RN est bien relative.
En sièges, rappelons que c’est bien Ensemble qui a obtenu le plus de députés, avec une majorité relative de 245 élus, que la coalition de gauche a réussi son pari en en faisant élire 133 et que le RN arrive 3e, avec 89 députés. Certes, c'est un progrès mais, pour un parti qui a deux fois été finaliste à la présidentielle et obtenu 41,5 % et 13 millions de voix au second tour, on peut aussi considérer que c'est décevant.

Mais la victoire des 89 est aussi relative en soi. Plusieurs d’entre elles se sont jouées à quelques voix. Un plus grand nombre (33 !) ont été acquises pour faire barrage à NUPES. Mélenchon a été un excellent carburant pour le RN, comme le montrent les chiffres analysés par Le Figaro.

En outre, comme seuls comptent les députés élus, on a peu cité les résultats en voix de ces deux tours qui, là encore, rendent bien relatifs la « défaite » de Macron, la déception de NUPES et l’exploit du RN. Au premier tour, NUPES et Ensemble ont fait jeu égal (25,7 %) avec 5,8 millions de voix chacun, suivis du RN à 4,2 millions, de LR à 2,3 millions et de  à un million. Au second tour, les seuls à avoir nettement progressé en voix sont Ensemble, qui a atteint 8 millions de suffrages (tout de même…) et NUPES, 6,5 millions. Le RN et LR ayant été éliminés d’une majorité des circonscriptions au premier tour ont logiquement régressé en voix au second.

Cela pour rappeler cette évidence que le scrutin majoritaire à deux tours nécessite, pour bénéficier de son coefficient démultiplicateur et l’emporter, de réaliser le score le plus haut au premier et donc d’avoir noué des alliances pour pouvoir se maintenir dans le maximum de circonscriptions. Macron et Mélenchon l’ont bien compris. Une alliance comparable avec  aurait apporté au RN un réservoir de voix et un surplus d’élus. C’était l’argument d’Éric Zemmour et de Marion Maréchal. Georges  s’étonnait, il y a quelques semaines, des projections qui donnaient 148 députés RN-Reconquête avec une alliance dès le premier tour : la victoire des 89 députés RN confirme que c’était possible, car un rassemblement des deux forces augmentait mécaniquement le nombre de circonscriptions où elle aurait pu se maintenir (qui n’était que de 208 dimanche dernier), et donc l’emporter.

Ce réservoir a d’ailleurs bien souvent permis certaines victoires du RN dimanche. Le cas du Var est emblématique : le RN y aurait-il réalisé son quasi-grand chelem si la campagne de Zemmour, très active dans le département, et ses scores du premier tour n’y avaient pas constitué cette réserve indispensable pour briser le plafond de verre ?

Cette occasion manquée de 2022 devrait faire réfléchir les deux camps patriotes, et rapidement, puisque, comme l’ont prédit  sur BFM et quelques autres, une dissolution dans les mois qui viennent est possible, vu l’absence de majorité et la gravité des problèmes que le pays va devoir affronter après les avoir occultés pendant six mois de campagne. Le RN aurait donc tort de s’endormir sur ses lauriers et de tenir le zemmourisme pour un adversaire, et un adversaire anéanti. Lequel aurait tout aussi tort de s’abîmer dans des règlements de comptes.

Chacun doit rapidement faire fructifier ses atouts nouveaux : élus et implantation durable pour le RN, parti dynamique et jeune pour Reconquête. Leur alliance sera indispensable, quel que soit le mode de scrutin des prochaines législatives. Car il se pourrait bien qu'Emmanuel Macron, pour tenter d'amadouer la nouvelle Assemblée, propose d'instaurer la proportionnelle. Invariablement réclamée par le RN, qui vient de découvrir qu'il pouvait très bien gagner sans, elle est en fait la revendication de ceux qui ne jouent pas - ou plus - dans la cour des grands. Ce n'est plus le cas du RN et il n'est pas certain qu'il ait intérêt à soutenir ce projet.

Il ne s’agit pas de nier le succès du RN mais de préparer les victoires à venir.