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(Conférence de Marc Rousset devant les étudiants du MGIMO, donnée le mardi 10 décembre 2024, à Moscou)
Je tiens tout d’abord à m’excuser de ne pas parler la langue de Pouchkine ! Je parle plus ou moins bien six grandes langues internationales, mais ne peux malheureusement que déchiffrer l’alphabet cyrillique.
Je tiens à remercier très sincèrement Monsieur le Recteur Anatoli Torkounov, Monsieur le Vice-Recteur Artem V. Malgin et Madame le Professeur Evguenia Obitchkina pour l’honneur qu’ils me font de pouvoir m’adresser aux étudiants du MGIMO, la plus prestigieuse institution universitaire de Russie.
Mes remerciements vont également à monsieur Piotr Tolstoï, Vice-Président de la Douma, qui a bien voulu préfacer mon ouvrage : « Notre Faux Ami l’Amérique /Pour une Alliance avec la Russie ».
Avant d’aborder quelques thèmes de mon ouvrage et de répondre à vos questions, je souhaiterais attirer votre attention et faire quatre remarques importantes :
Première remarque : Je souhaiterais vous faire sentir, avec une vision à très long terme, ce violent « cri du cœur » français, européen, pro-russe, défendant avec bec et ongles, avec la « foi du charbonnier », la nécessité vitale d’un rapprochement entre l’Europe et la Russie !
Je veux dire par là qu’il ne s’agit pas d’envisager une simple coopération culturelle, économique (matières premières et énergie bon marché de la Russie, capitaux et technologies de l’Europe) :
– Il s’agirait d’envisager un projet civilisationnel ! Rapprochement des deux poumons chrétiens de la Grande Europe : la religion chrétienne orthodoxe et la religion catholique romaine ;
– Il s’agirait aussi de se rapprocher militairement à terme, tant pour les industries de défense que pour les armées, la Russie prenant à terme, sur une base égalitaire, et non plus impérialiste, la place des États-Unis avec des accords équilibrés d’alliance militaire et de coopération économique pour la fabrication d’armements technologiques très coûteux ;
– Il s’agirait aussi, pourquoi pas ? de favoriser l’émigration de population européenne vers la Russie pour la renforcer démographiquement ! Vladimir Poutine a fait savoir au monde qu’il pourrait y avoir, sans problème, 500 millions d’habitants en Russie !
Ma conviction la plus profonde, ma certitude absolue, est que la civilisation européenne, l’Europe et la Russie pourraient disparaître à terme, si elles connaissent un jour des invasions mortifères ! Car elles n’auraient pas eu le bon sens de s’allier pour constituer une « Forteresse Grande Europe », puissante, peuplée et imprenable !
Quelles sont en effet les menaces mortelles pour l’Europe à terme ? L’immigration extra-européenne, les valeurs sociétales décadentes, la démographie déclinante, l’islamisme, la désindustrialisation accélérée, une puissance militaire en déclin.
Quelles sont les menaces mortelles pour la Russie à long terme ? Une démographie insuffisante, l’islamisme, de trop nombreux voisins qui peuvent devenir un jour dangereux, au sens où l’entendait Bismarck, c’est-à-dire des menaces potentielles, même si ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui ! Le complexe obsidional russe est parfaitement justifié, comme le démontre d’une façon éclatante l’histoire de la Russie ! J’estime même qu’à très long terme, la Russie est encore plus menacée que l’Europe !
C’est la raison pour laquelle j’estime que mon ouvrage, pour un Européen, pour un Russe, a une importance aussi grande que le « Choc des Civilisations » d’Huntington et le Grand Echiquier » de Zbigniew Brzezinski
Deuxième Remarque : Un des enjeux vitaux du XXIe siècle pour les Européens et la civilisation européenne sera le maintien du contrôle de la Sibérie et de l’Asie centrale par la Russie ! L’Europe devrait donc se considérer comme l’« Hinterland» de la Russie, afin de l’aider à garder le contrôle de ces régions immenses et stratégiques !
Il est entendu que la Russie est aujourd’hui assez grande, assez puissante, pour se défendre toute seule, mais demain ?
L’« Hinterland» signifierait donc, dans un premier temps, que l’Europe arrête de harceler la Russie, avec les États-Unis, comme elle le fait actuellement en Géorgie, dans les pays Baltes, en Moldavie, et plus encore, bien évidemment en faisant la guerre par procuration avec l’OTAN en Ukraine ! Tous ces pays devraient être considérés comme faisant partie de la zone d’influence russe !
L’Hinterland signifierait dans un deuxième temps de coopérer non seulement culturellement et économiquement, mais militairement !
Troisième Remarque : Je souhaiterais m’adresser à tous les Russes, de plus en plus nombreux, qui en ont « ras le bol », à juste titre, des Français et des Européens, suite par exemple aux déclarations guerrières, folles et inconscientes du Président français Macron qui n’engagent que lui-même, dans les salons dorés de l’Élysée !
Leur réaction est humaine et compréhensible, mais tous ces citoyens russes ne réalisent pas qu’ils ne font que tomber dans le piège tendu par l’Amérique, seule véritable responsable et à l’origine de cette guerre par procuration, menée, pour son compte, par les principaux dirigeants européens actuels : le piège consiste, en effet, à éviter, à tout prix, un rapprochement entre l’Europe et la Russie !
67 % des Français sont contre une intervention militaire en Ukraine ! 80 % des patriotes français bien informés sur les réseaux sociaux souhaitent la victoire de la Russie en Ukraine ! Ça bouge aussi du côté de la Roumanie ! En Allemagne, si vous ajoutez les voix de l’AfD aux voix du parti BSW de Sarah Wagenknecht, 30 % des Allemands et bientôt 40 % sont déjà pro-russes ! Lorsque je lis les textes de Maximilien Krah de l’AfD, ce sont les écrits et paroles du général de Gaulle, en allemand !
Comment expliquer également le succès de mon livre en France, très souvent n°1 des ventes sur Amazon, alors que je suis complètement boycotté par tous les grands médias et les grands éditeurs français ?
Ce ne sont donc pas les peuples européens qui font ou veulent faire la guerre à la Russie ! Ce sont l’Amérique, les pays anglo-saxons, l’OTAN, les chefs de gouvernements européens soumis et valets de l’Amérique, tels que le Président Macron, et Friedrich Merz de la CDU en Allemagne, ainsi que madame Von der Leyen de l’UE, qui ne représente qu’elle-même ! Et tout cela avec l’aide d’une propagande mensongère éhontée des grands médias et des grands éditeurs européens !
Quatrième Remarque : C’est très bien que la Russie et les BRICS s’attaquent au dollar américain, mais je leur conseille de s’attaquer également aux fondations de la « Soft Power » états-unienne », à savoir l’impérialisme et l’usage immodéré de l’anglo-américain dans le monde !
Il faut obliger les Américains à parler et à respecter les langues nationales étrangères !
Un remède très simple : le multilinguisme en trois langues au lieu de la seule traduction en anglo-américain d’une langue nationale, avec deux cas possibles :
Cas n°1 : Trois langues nationale dont l’anglo-américain ; cela relativise déjà l’importance de l’anglo-américain !
Cas n°2 : Trois langues nationales sans l’anglo-américain ; c’est encore mieux car cela démontre qu’on peut très bien vivre sans l’anglo-américain !
La langue internationale, c’est la langue de l’acheteur et la traduction dans la langue nationale ; ce n’est pas l’anglo-américain !
D’ailleurs le Président Poutine, une fois encore, a déjà parfaitement compris le problème ! Lors d’une conférence de presse récente, un journaliste allemand s’est exprimé en anglo-américain pour lui poser une question ! Vladimir Poutine lui a alors demandé pourquoi il ne s’exprimait pas en allemand, langue qu’il parle et comprend parfaitement ?
Après ces 4 premières remarques préliminaires, je souhaiterais maintenant aborder quelques thèmes de mon ouvrage à la fois très synthétique et très analytique, car très dense et en 34 chapitres :
Réflexions sur le destin de l’Europe : Certains Européens ont le sentiment que l’Europe a épuisé toutes ses possibilités, qu’elle a accompli son destin.
L’écrivain Dominique Venner, après la fin de la guerre d’Algérie, est le premier auteur qui a voulu faire comprendre aux Français que seule la Grande Europe avec la Russie pouvait donner une nouvelle raison de vivre et d’espérer avec un avenir civilisationnel européen !
Je vous rappelle la citation de l’amiral Darlan en novembre 1942 : « La France sans l’Empire, c’est rien ! L’Empire sans la France, c’est rien ! ».
L’avenir de l’Europe est à l’Est ! L’avenir des Européens est euro-asiatique, pas euro-atlantique !
4 citations et réflexions pour bien caractériser et définir l’OTAN :
a) « L’OTAN n’est pas en état de mort cérébrale. C’est l’Europe car elle refuse de se doter des moyens de puissance »
Alain de Benoist
b) A quoi sert l’OTAN pour l’Europe ? Réponse géniale, vraie et visionnaire : La fameuse réflexion de Lord Hastings, Premier Secrétaire Général de l’OTAN en 1949
« To keep the Americans in, the Russians out, and the Germans down ! » (Garder les Américains en Europe, Mettre les Russes dehors et garder les Allemands sous la botte)
En 2024, dans cette brillante formule lapidaire, il suffit de remplacer « les Allemands » par les « Européens ».
c) L’OTAN, bras armé des États-Unis, aurait dû disparaître en même temps que l’URSS et le pacte de Varsovie (juin 1991)
d) L’OTAN, c’est avant tout une « pompe à fric » américaine pour les ventes américaines d’armements et d’avions militaires en Europe (60 % des achats européens)
– L’Europe ne va pas de Washington à Bruxelles, mais de Brest à Vladivostok !
– L’océan Atlantique sépare l’Amérique et l’Europe, alors que l’Europe et la Russie sont deux grands voisins complémentaires
– Être ou ne pas être ! Rester européen en s’alliant avec la Russie ou devenir américain en acceptant le protectorat de l’OTAN et des États-Unis, voilà la question !
– Mikhaël Gorbatchev à madame Thatcher : « La Grande Europe doit devenir notre maison commune et non pas un théâtre d’opérations militaires »
– Mikhaël Gorbatchev : « L’ordre mondial dont nous rêvions, il y a quinze ans, n’était pas celui d’un nouvel Empire, d’un pays ou d’un petit groupe de pays qui gouvernent le monde »
– Lu Shaye, ambassadeur de Chine à Paris, en 2023 : « L’Amérique n’est pas l’alliée de la France, c’est plutôt elle votre rival systémique »
– Le général de Gaulle : « Un jour les États-Unis quitteront le « Vieux Continent »
– La Russie et l’Europe ont des intérêts communs et un avenir commun sur ce grand continent pan-européen qui va de l’océan Atlantique jusqu’à l’océan Pacifique
– Si la France n’a pas été rayée de la carte de l’Europe pendant les deux dernières guerres mondiales, c’est aux 1 700 000 Russes tués pendant la Première Guerre mondiale et aux 27 millions de Russes tués pendant la Deuxième Guerre mondiale qu’elle le doit, pas à l’Amérique !
« Si la France n’a pas été rayée de la carte de l’Europe, c’est à la Russie que nous le devons. »
Maréchal Foch en 1918
La mythique bataille de la Marne en 1914, présente dans le cœur fier et victorieux de chaque Français, aurait été pourtant bel et bien perdue si l’Allemagne n’avait pas été obligée d’envoyer une armée entière et la garde impériale du Kaiser à l’Est, suite à une offensive russe déclenchée volontairement par le tsar Nicolas II, afin de diminuer le poids numérique insupportable de la pression allemande sur l’armée française !
La tout aussi mythique victoire française en 1916 à la bataille de Verdun aurait été aussi bel et bien perdue, dès mars 1916, là encore, si le tsar Nicolas II n’avait pas engagé la bataille du lac Narotch en Biélorussie. Et cette même bataille de Verdun aurait été aussi encore bel et bien une deuxième fois perdue, en juin 1916, si le général Broussilov n’avait pas menée une offensive russe dans l’Ouest de l’Ukraine, lors d’une bataille victorieuse pour la Russie, passée volontairement sous silence dans l’Occident, et qui fut, de plus, la bataille la plus coûteuse en vies humaines de toutes les batailles de la Première Guerre mondiale !
Quant à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Américains ont débarqué en Normandie en juin 1944, toute l’aviation allemande était sur le front de l’Est ! Il y avait, en outre, seulement 26 divisions allemandes à l’Ouest de l’Europe contre 170 divisions allemandes à l’Est !
Merci, chers amis pour avoir bien voulu m’écouter / Applaudissements des étudiants du MGIMO !
Puis séance : Questions des étudiants et Réponses de l’auteur
Marc Rousset – Auteur de Notre Faux Ami l’Amérique / Pour une Alliance avec la Russie – Préface de Piotr Tolstoï – Éditions Librinova – 2024 / Publication en mai 2025 en langue russe aux éditions « Ves Mir » – Moscou
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